De la quête de soi et de ses origines à la quête du monde, Farid Belkahia tente de se faire l’interprète d’un être-au-monde particulier; interroger l’être dans son rapport au temps et à la mémoire. Un temps non seulement d’histoire et de culture mais, bien au-delà, un temps ouvert sur l’infini, un temps d’éternité où l’être, abordé dans sa dimension historique, politique et sociale, deviendra peu à peu le lieu d’une interrogation de plus en plus essentielle et qui tendra vers une acceptation et une appréhension de plus en plus universelles. Démarche qui obligera Farid Belkahia à convoquer très tôt les formes primordiales: le cercle, le triangle, le carré, le point, la croix et la flèche. Ces formes, traitées pour elles-mêmes, dans leur dimension géométrique, donneront lieu, tout au long de son parcours, à une émergence symbolique, définissant l’être dans son absoluité et son universalité, en dehors de tout impact de civilisation. “L’être, dans sa vérité première, est le même, quelques soient les cieux qui l’abritent”, nous dit-il. L’être sera alors, dès sa période expressionniste, s’étalant de 1950 à 1965, non pas traqué mais approché, cerné, presque prié d’extérioriser sa douleur. Une fois placé au centre de sa démarche et de son questionnement, l’être va ensuite se signifier par son “malaise dans la civilisation” et sa manière d’être non pas encore au monde mais à la société et au politique.
RAJAE BENCHEMSI
M’Hamed Belkahia, père de Farid, possèdera d’abord un commerce prospère dans les parfums avant de devenir fonctionnaire au Contrôle civil. Il fait partie des premiers francophones et francophiles de sa génération et à ce titre accompagne la délégation officielles des interprètes, lors de l’inauguration de la Mosquée de Paris en 1926.
Il est fortement lié aux peintres Antoine et surtout Olek Teslar (avec lequel il fait un pacte de fraternité), et Jeannine Teslar, avec lesquels il rencontre Nicolas de Staël. C’est là que naît l’union de Jeannine avec de Staël qui se marieront par la suite.
M’Hamed Belkahia épouse Zhor Belcaïd.
Il entre à l’internat du Collège Français à al-Jadida où il fera la connaissance de Abdallah Laroui qui deviendra un grand historien.Pris de passion pour l’athlétisme et notamment la course, il décide de faire une carrière sportive.
Il fait ses premiers apprentissages de peintre dans l’atelier de Olek Teslar en compagnie du peintre Moulay Ahmed Drissi. C’est de cette période que date, notamment, la Calligraphie, la seule de sa période expressionniste, et son Autoportrait à la cire.
Farid Belkahia annonce à son père qu’il veut devenir peintre. Devant le refus ferme de celui-ci, qui le vouait à des études d’ingénieur agricole, il quitte définitivement la maison familiale sans se présenter à l’examen du baccalauréat.
Il exécute une série de tableaux engagés, sombres et tristes, où il exprime le sentiment de violence éprouvé lors de l’enlèvement de Mohammad V, dont La Veuve et les enfants ou Mohammad V dans la lune.
Sa première exposition à lieu à l’Hôtel de la Mamounia, devant lequel il passait au retour du Lycée et où il regardait Churchill qui s’installait là quelquefois pour peindre l’Atlas.